Petite cervelle grillée en quête d'ombre bienfaisante...

La rumeur des quais s'étouffe derrière nous. A présent, nos pas résonnent sur le bois du pont qui oscille doucement. Enfin, mes pas, surtout. Elle se fait discrète, la gamine...

Immédiatement je l'amène à l'ombre du côté de la poupe, dans un coin bien frais, contre la paroi de la dunette. Il est trop tôt pour l'emmener à l'intérieur, elle n'est pas habituée à la danse de la jonque, il lui faut voir bouger l'horizon, sinon elle va apprendre le mal de mer dont elle parlait tout-à-l'heure...

Le baril d'eau de pluie est juste à côté, je dénoue l'écharpe que je porte dans les cheveux, la roule en bouchon et la trempe dans l'eau fraîche. Je presse l'excédent, et passe mon chiffon humide sur le front de la fille que j'ai fait asseoir sur la banquette, le long de la paroi.

Tiens, ça va te rafraîchir.
Tu devrais te méfier du soleil, au bord de l'eau il est deux fois plus fort.

C'est pas croyable, me voilà en train de jouer les altruistes. Ca ne me ressemble pas de dépanner les fillettes en perdition. J'ai plutôt l'habitude de penser que les imbéciles et les imprudents ne méritent pas de vivre vieux...
Ca doit être le gros homme...
Oui, sans doute...
J'aimais pas son regard...

Reste là une minute, repose-toi.
Je reviens tout de suite.

Je la laisse avec mon écharpe sur la tête, et je m'éloigne jusqu'à l'écoutille. Je me penche au-dessus de la rambarde, et je lance :

Nériiiiine !
T'es là ?

Parce que là j'arrive au bout de mes possibilités...

-Quoi encore, ça oui ?!

Bon, plutôt que de poser la question du fin fond de la cale, ça oui, je ferais mieux d'aller voir ce qu'on me veut. Je monte sur le pont en trainant un peu les pieds. Enfin, c'est bien ça oui, qu'on me sonne de temps en temps. Ca m'occupe et ça m'évite de passer mon temps à me gratter en lisant des grimoires plus gros que moi, ça oui. Une petite pause, ça me fera pas de mal, ça non. J'ai les yeux tout secs et le bras en charpie à force.

-Tient ? c'est qui ça, ça oui ? Un copine à Eva ? L'a l'air mal en point, ça oui.

Je m'approche de la petite rousse... ah ça oui, tient, une rousse. La petite sœur de Djaya peut-être ? C'est vrai que je ne sais même pas si elle a de la famille. Je sent bien qu'elle n'est pas du genre à faire la causette, alors en générale, j'évite de l'embêter avec mes questions, ça oui... elle a le regard qui fait peur des fois, ça oui, elle a l'air susceptible et elle est plus grande que moi. Enfin du coup, je ne sais pas grand chose sur elle, ça non, à part les rumeurs, ce que j'entends à travers les cloisons de la jonque et son état de santé, vu que j'ai déjà eu à la soigner, ça oui.

Un coup d'œil à la môme. Je prend son pouls, regarde ses pupilles. Ça non, pas de trop gros dégâts apparemment. Ah surveiller, toute fois.

-Un insolation, ah ça oui. C'est bien le chiffon sur la tête, ça oui, mais on peut mieux faire.

Je prend un sceau qui traine par là, ça oui, le remplis d'eau fraiche et lui verse sur la tête, ça oui. Avec ses cheveux, ça devrais bien garder l'eau et la tenir au frais un moment. J'y ajoute le tissus bien imbibé que je lui étale par dessus, comme ça, ça sècheras pas trop vite, ça non.

-Tu devrais t'allonger un moment, ça oui, à l'ombre. Et puis il faut boire aussi ça oui, très important.

Je lui colle le sceau dans les mains à cet effet. Puis m'adressant à la grande rousse :

-Elle est déjà montée sur un bateau ta cousine, ça oui ? Parce que même à quai, le mal de mer, ça aide pas, ça non. Faudra pas s'étonner si elle vomis. Si c'est pas mieux d'ici vingts minutes, on pourra toujours lui filer un aspirine, ça oui, et un petit quelque chose contre le mal de mer, ça oui aussi, si tu tient à la garder à bord.

D'une oreille j'écoute vaguement la gamine qui me raconte sa vie, ça oui, ses cousins, la barque, tout ça... encore une malheureuse ah ça oui. Quoique qu'elle se bidonne bien pour une pauvre enfant martyre. M'énerve ça oui, à se marre, j'aime pas les mômes. De l'autre j'entends Djaya qui s'étrangle au moment ou je lui donne le sceau. Ça oui, c'est vrai que j'aurais pu trouver plus raffiné comme godet, ça oui, mais bon, déjà que je lui soigne sa petite insolation, elle va pas faire sa difficile, ça non. Ou alors elles se démerdent pour aller chercher un verre un cuisine, ça oui, moi j'ai pas qu'ça à foutre.

Le torchon sur les paupières, ça oui ? Elle a peur qu'elle se dessèche des yeux ? Pourquoi pas... ou alors elle ne veux plus voir sa tête, ce que je comprendrais. Peut-être qu'elle non plus elle aime pas les mioches. Enfin dans ce cas, il fallait pas l'amener ici, ça non.

Après avoir donné quelque ordre à la petite rousse, ça oui, la grande rousse m'emmène un peu à part pour m'expliquer ce qu'elle fout là, ça oui.

-Aucun lien de parenté, ça non ? Pourtant, les cheveux... j'aurais bien dit que c'était ta cousine ou ta petite sœur, ça oui, quelque chose comme ça. Enfin peu importe, ça oui.

C'est vrai qu'en y regardant de plus près ça oui... La ressemble s'arrête là, ça oui. Pas du tout le caractère apparemment, ça non. Yen a une qui rit quand elle s'pince et l'autre qui rit tout le temps même malade (à moins qu'elle est grillé quelques neurones... à surveiller, ça oui).

Donc, elle est venu au secours de la ptite tête rousse, ah ça oui, qui aurait suivit Six.

-mmh... ça non, Six ne m'en n'a pas parlé.
Décidément, il les prend jeune...

Enfin, j'espère quand même que c'est pas ça, ça non. Pas une nouvelle recrue. Remarque, ça ferait une copine pour Eva, comme ça elle pourraient allez jouer dans leur coin sans venir nous casser les gonades.

-J'en dis qu'il faut qu'elle boive, ça oui. C'est pourtant pas bien compliqué !

Elle m'a pas écouté. Je lui file un seau avec de la flotte, ça oui, c'est certainement pas pour faire joli, ça non.
Enfin si elle veut rester sèche et fiévreuse, ça oui, c'est son problème. Ça ne va pas m'empêcher de dormir.

Je l'observe quand même un instant, ça oui. Ca n'a pas l'air catastrophique, ça non, mais il faut faire un peu gaffe quand même. Et Djaya semble s'inquiéter un peu.

-... mouais... on va lui filer un aspirine, ça oui, ça pourra pas lui faire de mal. Mais t'en fais pas ça non, c'est trois fois rien. Elle va s'en remettre.

Je la rassure un peu, ça oui, sinon elle pourrais bien venir me sonner toutes les 5 minutes pour que j'y jette un œil.
Bon, l'aspirine, ça oui.

-J'vais chercher ça.

Avec un vrai verre, ça oui, tant qu'à faire. Ce sera plus pratique.
Je descend à la cuisine, ça oui.

Remontant de la cuisine, ça oui, avec un verre et des cachés d'aspirine, je vois une paire de zumains qui se regardent dans le blanc des yeux alors qu'une enfant git par terre, sèche, à côté d'un seau de flotte renversé.
Depuis quand on lave le pont à l'eau de pluie ?! tssss ! gaspillage, ça oui !

Je m'approche de la gamine et bouge la tête de droite à gauche d'un air consterné, ça oui.

-trop faible, ça oui. Pas foutue de boire toute seule.

Un coup d'œil accusateur m'échappe vers les deux autres, ça oui.
Pas foutue de s'occuper d'une môme.
Pourtant pas compliqué, ça non. En plus elle est sage là. C'est pas comme si elle courait partout en braillant comme le font tous les marmots en bonne santé.

Je m'en vais donc remplir le seau, ça oui, et revient lui mettre le cacheton à dissoudre dans un verre d'eau.
Puis je passe mon bras autour de ses épaules pour la redresser un peu ça oui, le temps de lui faire boire. Elle est pas légère, ça non et je dois caler sa tête, ça oui, contre mon épaule pour qu'elle ne bascule pas bêtement en arrière.

-Allez, ça oui, bois ça. Ça ira mieux après.

Il s'inquiète pour la gamine, ça oui ? Et bah il est temps !

-Ça va, ça oui, elle va s'en remettre.
Mais faut qu'elle boive, ça oui.

La dessus, je lui colle le seau dans les mains, au capitaine, ça oui.
Tient ça oui, c'est TON invitée, tu t'en occupe.

-Impec' cap'taine !

J'ai juste un peu mal à la tête. Mais ça fait du bien l'eau...

Je pousse un énorme soupir.

-Oui oui, très bien occupées. Très gentille.

Un peu jalouse aussi, dis-je dans un murmure.

Je lui fais mon plus beau sourire. J'suis p't'être une gamine mais tout de même, ya des choses qui ne trompent pas. Je jette un petit coup d'oeil à l'autre rousse.

-Vous rendre visite ? Hum... Pas du tout, il ne faut pas se sentir aussi important cap'taine, je suis venue voir les mouettes.

Je repose mon regard sur le cap'taine et lui adresse un sourire malicieux.

Très gentille. Un peu jalouse aussi.

De qui parle-t-elle ?
Je suis son mouvement de menton, tourne la tête, lève les yeux vers Djaya.
Et me prend une charge de haine, un boulet de colère que j'en vacille.
Et pourtant elle n'a rien dit. Tout est concentré dans le regard.
Mais j'ai passé tant de temps à l'observer à la dérobée que je connais ses mouvements par coeur.
Et je traduis assez bien ses épaules contractées, cette jugulaire qui palpite, ce regard mauvais et douloureux.
Que s'est-elle imaginée?
Je me relève, ouvre la bouche mais elle tourne les talons, démarche raide et furibarde pour s'enfuir par l'écoutille.
Ca me rappelle nos débuts.
Sauf que cette fois, je ne suis pas en colère.

Je reviens.
Un coup d'oeil à Nerine pour lui montrer Savat et je suis ma rousse. J'ai comme l'impression que ça va exploser.

Ah ça non, mais où ils vont ?
Et voilà ça oui, qu'on me la colle dans les pattes la gamine. Scrotum, mais j'aime pas les mioches !

Remarque, ça oui, ça vaut peut-être mieux qu'il la rattrape, ça oui, vu sa tête. On a l'impression qu'elle va tout casser.
Moi elle me fait peur quand elle est comme ça, ça oui... en fait elle me fait un peu peur tout le temps. Cette femme m'a l'air d'une bombe à retardement, ça oui. On sait jamais quand ça va péter.

Bon bah pendant ce temps je garde un oeil sur la gamine, ça oui. Qu'elle corvée ! Comme si j'avais rien d'autre à faire !
J'ai bien envie de la bourrer de vitamine pour qu'elle est la pêche et reparte vite fait.
Ou je pourrais peut-être utiliser un sort de soin, ça oui. Employer la magie ne me réjoui pas trop en général, ça non, c'est pas une science exacte et... et faut l'avouer, c'est pas mon domaine de prédilection, même si j'ai grandement progresser avec la guerre... bon une fois j'ai un peu cramé la couenne au capitaine en voulant le soigner, ça oui, mais c'était juste un accident, une petite erreur de formule... Et puis là ça craint rien, c'est une mioche. Enfin moi j'm'en fout, si ça merdouille un peu. Si ça foire ce sera à moi de la soigner, de toute façon, et si je réussi, elle pourrait rentrer chez elle en pleine forme et me débarrasser le plancher, ça oui.

-Tu aimes la magie, ça oui ?

Je pousse un soupir en la voyant tourner les talons. D'ailleurs, il me semble que je soupire énormément. Je n'arrive plus à me souvenir si c'est juste une impression ou un fait. Enfin bon. Est-ce que j'aurais mieux fait de me taire ? Je pense pas. A mon avis, vu comme elle était, ma remarque à juste accéléré les choses. Si c'est ça qui la fait partir. Parce que oué, faut peut-être pas non plus que je me pense si important qu'une simple remarque comme celle-ci suffise à faire partir l'autre femme. J'ai un gros doute là. Ma faute. Pas ma faute ? Celle du capitaine ? Celle de personne ?
Et puis qu'est-ce que j'en ai à faire moi, je la connais pas. Ça m'ennuie juste que Six parte. Après tout je suis ici pour lui. Pour voir sa Jonque aussi. Faut dire, quand il en parle, il a les yeux qui pétillent différemment de d'habitude. Alors ça m'intrigue un peu.
Mon arrivée est un peu merdique.
Enfin bon, c'est la vie.

Je jette un regard suspect à la gobeline. Un regard suspect, une moue de dégout ajoutée. Et puis toute confiance disparut tout d'un coup. Je plisse les yeux tandis que ma bouche se tord. De la magie... Pouah.

-Non.

Ça a claqué. Réponse sèche.
Pouah.
Qu'est-ce qu'elle veut me faire avec sa magie l'autre là ?

Me soigner ?
Me touche pas.

Regard noir.

Tu m'approches, j't'éclate.
Rien à foutre.

De la magie.
Pouah.

Ou alors elle veut peut-être faire passer le temps. Genre je suis une petite gamine. Une gosse dont elle doit s'occuper alors elle va me faire un tour de magie. Youpi un tour de magie. Owi owi.
Et bah non !
Un tour de magie. Pouah.
Non mais franchement.
Qu'est-ce qu'elle me veut elle.
Si j'aime la magie ? Oh que non.

-Tu m'donnes quel âge ?

Faut que je me calme. Mais la magie... Pouah.

Mais quelle salle tronche de merdeuse, ça oui ! J'aime pas du tout comme elle me grimace, ah ça non. On dirait qu'elle a vu un verrue sur un cul de troll. Je sais bien que je suis pas très jolie, mais elle pourrait faire un effort au lieu de tirer la tronche quand on la soigne. J'aurais pas du répondre tient, ça oui, quand on m'a appeler pour lui rafraichir son crâne de piaf !

Pas de magie de soin, ça non ? Et bah tant pis, tu peux crever, ça oui, j'm'en fout. Je vais me barrer tient, ça oui, et ils vont se démerder avec leur môme... enfin, ça non, quand même pas. Et puis laisser une enfant sur un bateau sans surveillance, c'est pas prudent, ça non. Ces bêtes là, dès qu'on tourne le dos ça fait que des conneries. Faut toujours que ça touche à tout les marmots.
Donc, je la surveille, ça oui, mais c'est tout. Après, elle boit ou elle boit pas, ce n'est plus mon problème. De toute façon, je ne vais pas lui coller un entonnoir pour lui vider le sceau dans le gosier, ça non, quand même pas.

Et voilà qu'elle veut faire la causette. Ben voyons. Et tu ne veux pas que je te raconte une histoire aussi ?!

-je sais pas... 12...14 ans ?

Ça ouais, plus pré-ado que petite enfant. Encore mieux tient ! C'est à cet âge là qu'il faudrait les castrer, après ça devient ingérable, des saletés de petits délinquants. Ce que ça peut être con les petits de zumain à cet age là !